L'INCONNUE et la CHÈVRE
« Tu es connue ? » Numéro 5, est à peine inquiet car ma réponse tarde à venir. Après mûre réflexion je réponds par la négative. « Alors comment fais-tu pour vendre tes livres ? » À sept ans il a tout compris et il n’y a malheureusement rien à ajouter. Il continue, impitoyable : « La Chèvre, elle te connaît ? » Sans aucun doute. « Alors, tu vois tu es connue quand même.» La confirmation de cette notoriété inutile le satisfait totalement et il part s’occuper de l’essentiel.
Quant à moi, je prends la direction du village chercher de quoi calmer l’agressivité des appétits insondables de ceux venus faire leurs Pâques dans la Drôme. Et c’est en sortant de la charcuterie de la Grande Rue, qui est toute petite, que j’ai rencontré mon destin.
« Je vous connais », fait une petite dame, sourire radieux et maquillage technicolor. Mon rythme cardiaque s’accélère, ma bouche est sèche, mon étonnement sans bornes. Je souris également, essayant d’adopter une attitude littéraire emprunte de modestie. « Je vous connais », continue cette étrangère pour laquelle je sens une immense affection, « je vous connais, vous êtes Mary Dollinger ! » J’acquiesce humblement. « J’aimerais trop une autographe ! » Mon bonheur est au zénith. Je cherche un stylo, un morceau de papier, prépare quelques mots bien choisis, pas trop condescendants, et lui demande lequel de mes livres elle a le plus aimé. Elle marque un temps d’arrêt. Son maquillage vire au noir et blanc. « Vous m’avez mal comprise, » et pourtant tout semble limpide, « je voudrais une autographe de la Chèvre ! Vos livres, vous savez… »
Les points de suspension s’étirent à l’infini accompagnés par mon anéantissement. J’ai demandé à Jacques André de modifier la quatrième de couverture où vous lirez désormais :
« Mary Dollinger, par qui la Chèvre est arrivée. »