Salon du Livre de Paris et la Chèvre
« Tu ne deviens pas un peu égocentrique ? » dit la chèvre en me regardant en coin. La remarque me surprend. Elle est d’autant plus injuste que malgré le mistral que je déteste par-dessus tout, je suis sortie du jardin abrité pour venir la saluer. « Mais si, tu n’écris plus, tu affiches des photos. J’appelle cela « culte de la personnalité." Staline savait y faire, Kadhafi aussi. Je passe sur la Corée du Nord et le Soudan, mais tu n’as de leçons à recevoir de personne. On ne voit plus que toi ! » Je lui explique qu’étant très occupée, les photos étaient juste une façon de dire à mes amis que je ne les oublie pas. « Trois photos en deux notes seulement ! » Je lui fait remarquer que sur une je suis de dos. « Cela fait toujours une photo et demie par note ! » Elle sait compter et je commence à me sentir mal à l’aise. « D’ailleurs, que fais-tu ici aujourd’hui, c’est bien l’ouverture du Salon du Livre à Paris ? » Elle a un chic pour appuyer là où cela fait mal. Mon absence à cette grande messe littéraire ne doit pas soulever les foules, et je décide de m’inclure dans le 4% d’absents cette année. Elle ricane. « On ne peut pas être absente, n’ayant jamais été présente ! » Je m’incline devant sa logique implacable. « Alors une petite photo de moi pour changer et montrer que tu n’es plus totalement égocentrique ! » Les photos de cette chèvre horrible foisonnent sur mon blog. Toujours coiffée de la même façon, toujours habillée de la même robe, ses yeux globuleux nous fixant toujours du même regard hystérique, et ses cornes toujours égales à elles-mêmes, ni plus longues ni plus courtes. La monotonie caprine personnifiée. « C’est toi qui le dis. Tu ne sais pas voir, on m’a souvent dit que j’étais très typée. » « Typée charogne », dit très distinctement le jar. Je pousse un soupir et les laisse s’étriper entre eux.
Venue leur annoncer que la pièce commandée pour le festival « Saoû chante Mozart », à défaut d’être jouée, allait être publiée, je repars en gardant cette nouvelle d ‘extrême importance pour moi, mais en me disant, que le thème du Salon cette année, le Mexique, ne me tente absolument pas. Je ne supporte pas les piments et les Margueritas me rendent malade.
Je crois que quelqu’un a dit : « Quelle mauvaise foi ! »
Je fais comme si je n’avais rien entendu.