SALON DU LIVRE DE BRINDAS : dimanche 8 mars
« Tu n’écris plus rien, » dit la chèvre en donnant un coup de corne nonchalant en direction de Melody qui ne risque pas grand-chose tellement son manteau d’hiver et ses rouleaux de graisse sont impressionnants.
« Tu n’écris plus, tu ne parles plus de nous, tes livres sont laissés pour compte et tu oses te prétendre ‘écrivain’ ! » Je lui explique que je suis en phase préparatoire, que j’effectue des recherches, que je suis en train de construire. « Tu veux rire ! » Elle cherche à donner un deuxième coup de corne pour la forme, mais le reste du cheptel s’est prudemment éloigné. « Je te vois, je sais comment tu passes tes journées. Tu bouquines ! » Je lui demande comment elle sait de quoi mes journées sont faites. « J’ai mes sources », répond-elle, énigmatique comme toujours, « et en plus tu crayonnes dans les livres ! » Je confesse que je fais ce que j’interdis à mon entourage, mais avec un tout petit crayon à papier et si légèrement… « Alors tu effaceras tout lorsque tu auras terminé ? » Normalement. « Et tu feras une note sur moi sans tarder ? » Pas sûr. « Et tu diras au berger qu’il peut s’abstenir de nous donner des os de lapin, cela me rappelle trop… enfin je ne sais pas trop ce que cela me rappelle, mais l’effet est proustien et ma digestion s’en ressent.»
J’ignorais que la chèvre lisait Proust et je n’apprécie pas ses remarques, en particulier sur mes livres, car dimanche je les emmène se promener à Brindas.
Pour me venger je ne ferai pas de note sur elle.