Le Manuscrit. (suite)
Hier, déjeuner avec
Mon manuscrit est sur le bureau entre nous deux. Il est usé, d’occasion diraient certains, fatigué sûrement, mais je vois distinctement une mèche longue qui dépasse de la page 102. Une boîte d’allumettes se cache, honteusement, no smoking oblige, derrière une pile d’espérances craintives. Jacques André parle. Il parle beaucoup. Il ne voit pas la petite main qui subtilise la boîte, qui prend l’allumette. Il est lyrique, emporté. L’allumette flambe. La mèche se consume, doucement, amoureusement. L’éditeur se prépare pour l’estocade. Je suis sereine.
L’explosion est assourdissante. De la fumée noire, quelques flammes timides qui lèchent les feuilles, taquinent les livres, consomment goulûment les lettres en souffrance. Et un filet de voix étouffé par la chaleur qui chuinte : « On m’avait bien prévenu qu’il ne fallait jamais travailler avec une Anglaise. »
P.S. Grâce à "a girl from earth" la journée n'est plus vraiment noire